François-René de CHATEAUBRIAND

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Le château de Combourg.

« D’un bout à l’autre de l’année, le vicomte de Chateaubriand n’écrit probablement pas une seule phrase exempte de fausseté soit dans le raisonnement, soit dans le sentiment ; de sorte qu’en le lisant, vous êtes sans cesse tenté de vous écrier : « Juste ciel, que tout cela est faux, mais que c’est bien écrit ! » ».

Stendhal.

« Mon sang teint les bannières de France. »
Devise des Chateaubriand.

Un film sur la vie de Chateaubriand ferait sans doute un tabac. Tout y serait : suspense, dépaysement, Révolution, guerres et personnages historiques devant lesquels on ne courbe pas l’échine, retournements de situation, messages politiques, amours romantiques, visions prophétiques de l’avenir,… Défileraient des images de la cour de Louis XVI, du Paris post-révolutionnaire, des jeunes Etats-Unis d’Amérique, du Londres des Emigrés, du Paris du Consulat et de celui des Bourbons.

… Avec l’avertissement habituel : « Toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé ne serait que pure coïncidence, etc. » Car s’il est des écrivains qui aiment se mettre en scène en réécrivant les dialogues, le vicomte est leur maître. Il sait mieux que personne que sa fameuse rencontre avec Washington, dont il garde souvenir jusque dans ses Mémoires d’outre-tombe, n’a jamais eu lieu. Lorsqu’il écrit Le Génie du christianisme et célèbre les vertus de la religion… il est dans les bras de Pauline de Beaumont, loin de Mme de Chateaubriand. Avec lui, la règle est simple : lorsqu’une aventure d’un de ses récits le présente à son grand avantage, on peut parier qu’elle est en partie inventée.

Enfin, lorsqu’il prétend que la mort de ses amantes, de sa sœur, de sa femme le touchent, ne le croyez pas davantage. « Il alla au service funèbre, et revient chez lui en riant aux éclats. […] Sa femme était très méchante, il était enchanté » (Victor Hugo).

Il ne lui survit que de quelques mois.

Chateaubriand, pourtant disciple de Rousseau, aurait-il été un aussi grand écrivain sans être affabulateur, versatile et indifférent à tout sauf à lui-même ?
En même temps, il est assez extraordinaire que, courant après tant de gloires terrestres (mais n’essayons pas de compter ses démissions et ses renvois en politique !), il crée des œuvres immortelles. Car à la lecture des Mémoires d’Outre-tombe ou de nombreuses autres pages, quiconque sait lire « craque ».

Sans les phrases envoûtantes de l’enchanteur, Hugo, Vigny, Lamartine, Musset, Féval et bien d’autres auraient-ils été aussi précoces ? Sans le Génie, aurait-on eu Notre-Dame de Paris, Michelet et tous ceux qui ont redécouvert le moyen âge ? Chateaubriand, dès le trio gagnant Atala, René, Génie du Christianisme, est non seulement créateur d’une mode nouvelle, mais aussi – excusez du peu – d’un nouveau genre littéraire : le romantisme. Après lui, la nature, l’individu, Dieu et la façon de coucher des mots sur du papier ne sont plus comme avant.

Comme pour tout (pré)romantique qui se respecte, ses lieux de vie et itinéraires sont divers et variés :

– François-René naît en 1768 à Saint-Malo, rue des Juifs (devenue rue Chateaubriand – la maison existe encore), d’un armateur qui s’enrichit avec la traitre des noirs.
– Il est d’abord élevé en nourrice à Plancoët, puis retrouve Saint-Malo en 1771, entre un père taciturne et une mère charmante et exubérante. Ce mélange des sangs produit chez lui un caractère renfermé, même s’il bouillonne à l’intérieur… avec un certain penchant pour l’océan et l’au-delà de l’océan.
– Entre 1777 et 1781, il est au collège de Dol. Entretemps, les Chateaubriand ont emménagé à Combourg en 1778. Puis François-René étudie à Rennes, Brest, et Dinan en 1783, tout cela entrecoupé de séjours au château de Combourg.
– L’Hôtel de l’Europe, 9 rue du Mail, est sa première adresse parisienne quelques mois avant la Révolution.

En avril 1791, dégoûté par les excès des révolutionnaires (et dépossédé par son frère d’une part d’héritage paternel), il embarque pour l’Amérique.
– Apprenant l’arrestation de Louis XVI (et ayant épuisé ses économies), il regagne la France en janvier 1792… et se marie le même mois. Il habite à Paris 4 rue Férou, dans le « petit hôtel de Villette » – disparu en 1953 -, d’avril 1792 jusqu’à son départ en exil en juillet suivant. Il fait ainsi partie de la troupe des exilés à Bruxelles puis Londres où, loin de sa femme, il écrit L’Essai sur les révolutions et commence Le Génie du christianisme.
– Passent sept années de pauvreté durant lesquelles il survit en donnant des cours de français. Il se décide à revenir sur le continent en 1800, après le coup d’Etat du 18 Brumaire. Il s’installe dans un hôtel des Ternes.

Atala (1801) est rapidement un best-seller.
– En remerciement du Génie du christianisme (qui arrive à point nommé après le Concordat de 1801 reconnaissant le catholicisme comme la religion de la majorité des français), Bonaparte le nomme en 1803 secrétaire de légation à Rome, où il ne brille pas particulièrement. Mais alors qu’il est appelé début 1804 à de nouvelles fonctions, il démissionne en réaction à l’exécution du duc d’Enghien.

Jusqu’à 1815, il reste un opposant silencieux à l’Empire.
– Ses adresses sont alors le 5 rue de Beaune, à l’hôtel de France, en 1804, le 31 rue de Miromesnil, en 1804-05 et 2 place de la Concorde, de 1805 à 1807.
– Au retour de son voyage en terre sainte en 1807, il critique l’empereur dans un article destiné surtout à éblouir une de ses conquêtes. Il préfère s’éloigner de Napoléon et de la capitale, et s’établit dans la belle demeure de la Vallée-aux-Loups.
– Au 63 rue des Saints-Pères, Chateaubriand a son pied-à-terre parisien de 1811 à 1814, dans l’hôtel de la Valette.
– Il occupe également un appartement 194 rue de Rivoli entre 1812 et 1814.

En avril 1815, il accompagne Louis XVIII dans son repli à Gand, devant le bref retour aux affaires de Napoléon jusqu’à Waterloo. Peu après, la monarchie restaurée le fait ministre. Mais s’il trouve le nouveau régime plus libre que l’Ancien, il l’estime trop peu fidèle aux Bourbons et le fait savoir. Décidément, certains sont plus doués pour charmer les femmes que les puissants (tête dure de petit – 1,62 m – aristocrate breton). Il est privé de ses fonctions en 1816 et doit abandonner la Vallée-aux-Loups un an plus tard.

Les aléas du régime le referont ministre plénipotentiaire en 1821 et ministre des Affaires étrangères entre 1822 et 1824.
– Il occupe un pied-à-terre 25 rue de l’Université en 1817 puis demeure 27 rue Saint-Dominique en 1820 (où il reçoit la viste d’un Victor Hugo de 18 ans), et 7 rue du Regard, dans l’hôtel de Beaune, entre 1824 et 1826, avant de s’installer 88 rue Denfert-Rochereau (ex-rue d’Enfer), où il demeure avec sa femme jusqu’en 1838 – sauf en 1828, lorsqu’il est ambassadeur à Rome. Au 92, Mme de Chateaubriand fonde l’Infirmerie Marie-Thérèse (plaque). Elle est enterrée sous la chapelle.
Devant l’actuelle Fondation Cartier, 261 bd Raspail, se trouve encore un des cèdres plantés par l’écrivain sur le terrain de l’infirmerie.

La révolution de juillet 1830, qui chasse Charles X pour introniser Louis-Philippe, le dégoûte à jamais de la politique et il démissionne de la chambre des Pairs (devenue le Sénat) pour n’y plus revenir.
– Lorsque la responsabilité de l’infirmerie devient trop lourde, ils s’installent 120 rue du Bac en août 1838, au fond de la cour à gauche. C’est l’époque de l’écriture des Mémoires d’Outre-Tombe, dont la première idée remonte à 1803, et de La Vie de Rancé, entre deux visites à Madame Récamier retirée depuis 1819 dans l’Abbaye-aux-Bois toute proche ou des séjours de cure à Néris ou Bourbonne-les-Bains. Dans ces Mémoires, Napoléon, ennemi d’hier, prend les allures d’un héros romantique.

Lamennais, dans une mauvaise passe après la parution des Paroles d’un croyant, occupe là une chambre prêtée par les Chateaubriand.

C’est ici que l’écrivain décède en 1848. À quelques centaines de mètres de son lieu de naissance, sur le rocher du Grand Bé relié à Saint-Malo à marée basse, il repose depuis lors.

Autres demeures de l’auteur

À Chantilly (Oise), l’Hôtel du Grand-cerf, Grand-Rue, à l’actuel 4 et 6 rue du Connétable, accueille l’écrivain en 1837, en pèlerinage dans cette ville où il séjourna souvent, en particulier avec Juliette Récamier.

Pour visiter le lieu

Le château de Combourg près de Rennes est ouvert au public, de même que la maison de La Vallée-aux-Loups, 87 rue Chateaubriand à Chatenay-Malabry.

Quelqu’un à contacter ?

La Société Chateaubriand.

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– Michel Le Bris à Saint-Samson.

Petite bibliographie

Mémoires de ma vie et Mémoires d’outre-tombe, Chateaubriand, Livre de poche

Les Soleils du romantisme. Claude Roy, Idées-Gallimard n°447.

Les écrivains du faubourg Saint-Germain, Le Promeneur des lettres, 6 rue Raffet, 75016 Paris (tél : 01 40 50 30 95).